48 heures à Clermont-Ferrand

Auvergne-Rhône-Alpes/2023

Les volcans se réveillent et dévoilent une ville en pleine mutation. Clermont-Ferrand vient d’ailleurs de déposer sa candidature pour devenir la capitale européenne de la culture en 2028. Et si cette cité bouillonnante était déjà une destination d’escapade ?

« Clermont-Ferrand est une ville du Sud, mais désespérément au nord. C’est ce qui en fait sa richesse », souligne le journaliste Éric Roux devant un plat du jour aux Grandes Tables de la Comédie. Il découpe sa viande à l’aide de son propre couteau. « J’en ai plein. J’en change comme de chemise ! » s’amuse-t-il. Rien de surprenant au pays de la lame. Thiers, connu pour sa coutellerie, n’est qu’à 40 kilomètres de là et, à quelques enjambées du restaurant, l’artisan Sabatier-K en propose une belle collection. Éric Roux jongle entre ses différentes casquettes. Il travaille pour le collectif Sauve qui peut le court métrage, organisateur du Festival international du court métrage rassemblant chaque année 170 000 spectateurs. Il anime également, avec une gourmandise évidente, L’Étonnant Festin, une association qui fait le lien entre la nourriture et la culture. Papotes et popotes se retrouvent dans une grande marmite « foutoiresque » où le propos alimentaire dépasse largement l’assiette et catalyse les enjeux sociaux. On y parle recettes, production, mais aussi nichoirs d’oiseaux ou cartographie de semences sur un site archéologique. Festival, événements et revue… Qui dit mieux ? « Clermont-Ferrand a une image de terre de repli, mais c’est une terre de circulation. Il y a un mouvement perpétuel. » Longtemps, on en est partis quand d’autres, souvent étrangers, prêtaient leurs bras à l’industrie. Ainsi, la communauté portugaise y est l’une des plus importantes de France. On la remarque à peine sauf, parfois, le samedi matin autour des Halles. Quelques papis et mamies y vendent « au panier » leurs légumes du jardin au milieu des professionnels. Difficile d’avoir le coup de foudre pour Clermont-Ferrand. L’amour vient lentement, car la ville, avec ses deux cœurs, Clermont et Monferrand – réunis au XVIIe siècle – sait y faire. Les pulsations battent plus vite dans le premier. Le second, endormi derrière ses boutiques aux volets clos, abrite pourtant le Musée d’art Roger-Quilliot (MARQ) et un centre médiéval attachant. Entre les clochers des deux quartiers, Michelin. Le fabricant de pneus, qui compterait 120 000 employés dans le monde, a façonné la ville et ses mentalités. Les cités Michelin, maisons ouvrières du début du XXe siècle, portent ses valeurs jusqu’aux noms des rues (Foi, Courage, Vaillance, Jeunesse…). L’Aventure Michelin, un musée dédié, retrace la passionnante épopée de l’entreprise depuis son premier slogan de 1892, « Le pneumatique boit l’obstacle », à aujourd’hui. Les cols bleus d’hier font lentement place aux cols blancs. La ville, qui compte 147 865 habitants (chiffre de 2019), dont un quart d’étudiants, se réinvente. Les friches Michelin deviennent des espaces de coworking. En 2020, la gare routière des années 1960 a été réhabilitée en scène nationale par le Portugais Eduardo Souto de Moura, prix Pritzker 2011 (équivalent des César de l’architecture). La Comédie reflète la discrétion des Clermontois, l’architecte s’étant effacé derrière la façade. Une belle réussite, comme la programmation variée, avec également des marchés, et même des bals traditionnels « brayauds » ! L’esprit pop est là. Quant à l’ancien magasin Leclerc, il accueille depuis 2019 Mille Formes, un espace d’initiation à l’art pour les 0-6 ans mené en collaboration avec le Centre Pompidou. Autochtones ou visiteurs de passage, tout le monde peut y accéder. Citons aussi, en vrac, le Frac, au pied de la cathédrale, ou encore l’hôtel Frontfreyde, centre photographique installé dans un bel écrin. Reste un système associatif très dynamique, à l’instar de La Goguette, un sympathique lieu de vie et d’éducation populaire autour d’une cantine animée par des chefs en résidence. Tout cela met de la couleur aux pierres noires volcaniques, terrifiantes sous un ciel en colère. Bien sûr, le vert n’est jamais loin, avec la tour Eiffel locale – le puy de Dôme – et ses reliefs à l’infini. Sans surprise, la ville prend la clef des champs le dimanche et se vide entièrement. La faute aux paysages qui l’entourent. Ils imposent de respirer le grand air. Ainsi, la capitale française de l’arc-en-ciel aspirait déjà les nuages au sommet du volcan. Elle déplace maintenant des montagnes pour remporter le titre de capitale européenne de la culture 2028. « Clermont-Ferrand Massif central 2028 » veut rassembler un « village métropolitain » sur son territoire, aussi vaste que le Portugal. Et toutes les chances sont avec elle : il suffit d’additionner ses atouts sur la pascaline, considérée comme la première machine à calculer. Merci à son inventeur, Blaise Pascal, enfant du pays ! La ville le lui revaudra en 2023 en fêtant son 400e anniversaire.