48 heures à Valence
Auvergne-Rhône-Alpes/2025
« Si t’es pas content, t’as qu’à aller manger chez Pic ! » disaient à Valence les mamans à leurs enfants qui rechignaient à finir leur assiette. Peut-être le disent-elles toujours, tant cette maison fait partie de la vie des Valentinois, quand bien même ils n’y ont jamais mis les pieds.
Valence, Anne-Sophie Pic y a grandi, tout comme son mari, David Sinapian, lequel dirige l’entreprise depuis qu’elle a pris la succession de son père. Ils illustrent deux visages de la ville. D’un côté, une famille illustre installée à Valence depuis 1935, quand le grand-père d’Anne-Sophie Pic décide de quitter l’Auberge du Pin de Saint-Péray, en Ardèche, pour s’installer aux abords de la nationale 7. Une enfance passée essentiellement derrière les murs de la Maison Pic. De l’autre, une famille arménienne arrivée à Valence dans les années 1920 via Marseille, à la suite du génocide de 1915. C’est d’ailleurs la ville où la concentration d’Arméniens est la plus importante en France, lesquels ont trouvé du travail dans les usines textiles de la région. David Sinapian, fils et petit-fils d’artisans coiffeurs, a grandi dans la vieille ville mais passait en bus devant la Maison Pic pour aller jouer au foot. L’établissement a changé, et il n’y a pas que lui, son environnement aussi. Alors que c’était encore la campagne dans les années 1930, ce quartier résidentiel fait partie de la ville dont le centre ne se situe qu’à 20 minutes de marche.
Valence est bordée par le Rhône dont on sent la présence plus qu’on ne le voit et, pour s’en approcher, il faut traverser l’esplanade du Champ-de-Mars, admirer le kiosque Peynet – lequel a inspiré les amoureux de Raymond Peynet –, puis descendre dans le parc Jouvet. Le Rhône est bien là, tout près, mais coupé de la ville et de ses habitants par l’autoroute. Le fréquenter de près requiert de se rendre plus au sud, au parc de l’Épervière, l’une des balades préférées du couple Pic-Sinapian. Il faut donc rebrousser chemin et se diriger plutôt vers la vieille ville pour déambuler dans ses rues piétonnes : la rue de la cathédrale, la rue Perollerie avec ses ateliers d’artisans, s’arrêter devant la Maison Dupré-Latour construite à partir de 1522 et l’étonnante Maison Mauresque aux décors orientalistes. On y croise aussi la Bourse du Travail, devenue lieu d’exposition ou encore, à deux pas de la place des Clercs, la célèbre Maison des Têtes, datant du XVIe siècle. Il faut ensuite prendre le temps de visiter le musée d’art et d’archéologie de Valence qui, en plus de ses collections permanentes, propose des expositions temporaires. Face au musée, sur la place des Ormeaux, se trouve une œuvre tout juste installée et commandée par la ville à l’artiste Jaume Plensa.
En quittant la ville par la rue Saunière et ses boutiques de mode, on change radicalement d’époque et de style. De grands immeubles bourgeois de style haussmannien bordent la place de la République, les boulevards Bancel et Maurice‑Clerc, menant vers la « fontaine monumentale » (pas si imposante que ça). À deux pas de là se trouve le Centre du patrimoine arménien et ses expositions racontant non seulement l’histoire de la diaspora arménienne mais aussi, plus largement, celle des migrations. Petit détour place du Palais, devant l’école Louis-Pergaud (fréquentée par David Sinapian) où furent tournées les premières scènes du film Un p’tit truc en plus. Non loin de là s’ouvre une vaste avenue bordée de grandes allées qui portent le nom de Jacques Pic. Ça n’est pas le seul hommage de la ville au chef. On trouve aussi un bas-relief de bronze tout près du kiosque Peynet et son portrait sur la fresque des Valentinois, située dans un petit passage.
C’est non sans mal, non sans des années de difficultés vécues par le couple, que la Maison Pic est revenue au sommet de la gastronomie française. Elle a entraîné dans son sillage l’ouverture de nombreux commerces de bouche, des restaurants, créés par des talents passés entre ses murs. Que les Valentinois – et les autres – se rassurent, la succession est déjà en préparation : Nathan, le fils d’Anne-Sophie et David, qui a fait son choix en toute liberté, est en formation. Il ne serait pas étonnant de le voir dans quelques années, après avoir parfait son expérience au sein de grandes tables du monde, revenir à Valence auprès de sa mère. Une immense joie pour cette dernière : « Je lui ai posé la question : la ville, elle te plaît ? Tu l’aimes ? Il m’a dit oui, j’y ai tous mes amis. Il sera peut-être à l’étranger un temps, mais il va revenir. »




Produit de bouche, équipement de cuisine, art de la table, solution de service ...
Retrouvez la liste complète des partenaires qui font confiance à Gault&Millau
Tous nos partenaires