48 heures à Metz

Grand Est/2024

Aussi proche de Paris que de Francfort, Metz est devenu un véritable carrefour européen. Érigé en 2010, le Centre Pompidou-Metz, premier exemple de décentralisation d’un établissement public culturel national, a redéfini l’identité urbaine de cette ville aux influences romaines et médiévales.

Capitale du royaume franc d’Austrasie, berceau des Carolingiens, ville épiscopale au sein du Saint-Empire romain germanique… Metz a longtemps profité (et souffert) de sa situation géographique au cœur des carrefours européens. Le patrimoine messin, comptant une joyeuse mixité de styles architecturaux, est le témoin vivant d’un voyage dans le temps. Vaisseau gothique de 800 ans, la cathédrale Saint-Étienne illustre par exemple toute la grandeur artistique de l’époque médiévale. Elle répond au surnom de « Lanterne du Bon Dieu » pour ses 6 500 m2 de vitraux (le record français), dont ceux de Marc Chagall, et a été bâtie dans la pierre de Jaumont locale. Sous le soleil, elle irradie tel de l’or ! Établie sur la place des Armes, elle fait office de repère. Car de là peut démarrer une belle balade à travers l’histoire… À commencer par le musée de la Cour d’Or, qui abrite les vestiges des thermes gallo-romains ainsi qu’une impressionnante collection judaïque et archéologique mêlant beaux-arts et arts populaires. En 2025, elle sera complétée par un pavillon de la biodiversité. Sur la place Jeanne-d’Arc, le travail de rénovation de Sainte-Ségolène (la seule église ainsi baptisée en France) s’apprécie dans un silence de cathédrale. Derrière sa façade néogothique se cache le plus ancien morceau de vitrail lorrain du XIIe siècle : le Christ en croix vert, visible sur la partie gauche du chœur. Chœur où l’on retrouve les vitraux de Laurent-Charles Maréchal, qui ressemblent à s’y méprendre à des photographies, tellement les visages des Saints sont précis ! En redescendant, on pourrait presque entendre fredonner dans la chapelle des Trinitaires, une ancienne église néogothique devenue le QG de la Cité musicale où il serait malvenu de marcher sur un Graoully. Emblème de la ville, ce dragon est présent un peu partout. La légende raconte qu’il dévorait 7 fillettes et 7 garçons par jour avant qu’il ne fût délogé de l’amphithéâtre par saint Clément, puis noyé dans la Seille. Depuis ce jour, la ville est devenue chrétienne – on a compté 77 églises sous Charlemagne…Marquée par son histoire, et une architecture religieuse, la ville s’approprie ses vestiges au nom du renouveau. Ainsi le cloître des Récollets, un ancien couvent gothique, est devenu le poumon vert de la ville. Divers instituts y œuvrent pour faire de Metz l’une des villes les plus vertes de France. En 2024, la mairie a lancé l’opération de végétalisation participative « Je fleuris ma rue ». Une réussite. Le vert explose ici et là, à l’instar de la rue des Murs. Elle mène à la pittoresque place Saint-Louis, couronnée d’arcades et de balcons du XVIe siècle. On se laisse ensuite porter par la frénésie de la rue Taison, la plus ancienne de Metz, qui nous conduit à la cathédrale. Au Marché Couvert voisin, qui fut un palais au XIXe siècle, on peut désormais déguster un « paris-metz », pâtisserie clin d’œil à l’arrivée du TGV en 2007, et l’eau-de-vie à la mirabelle de la Distillerie de Mélanie. L’art contemporain signe une autre réussite, le Frac Lorraine. Installé dans la plus ancienne bâtisse de la ville datant du XIIe siècle – reconnaissable à sa petite fenêtre encadrée de blanc –, il étaye la dimension artistique du quartier. En remontant le long des berges pour embarquer dans un bus Mettis, on découvre le visage le plus moderne de la ville, restructuré par le Centre Pompidou-Metz. Coiffé d’une majestueuse toiture en maillage souple de poutrelles de bois à l’image d’un chapeau chinois, ce joyau contemporain est une œuvre d’art à lui tout seul. Avant que Nicolas Sarkozy ne coupe le ruban en 2010, il aura fallu sept ans aux architectes missionnés, le Japonais Shigeru Ban et le Français Jean de Gastines, pour penser ce symbole d’ouverture culturelle. Car le résultat devait être très différent du Centre Pompidou de Paris, abritant la plus grande collection d’art moderne et contemporain d’Europe – dans laquelle son benjamin pourra puiser. Les deux artistes imaginent alors « une architecture qui traduise l’ouverture, le brassage des cultures et le bien-être, dans une relation immédiate et sensorielle avec l’environnement ». Cela se traduit par un espace de plus de 10 000 m2, dont la moitié est consacrée à la présentation des œuvres, et à trois galeries modulables (le reste étant dédié au cinéma, au spectacle vivant et à la gastronomie…). L’architecture iconique est doublée d’une prouesse technique puisqu’il n’aura fallu que trois ans pour construire ce musée, dont la flèche centrale culmine à 77 mètres ; hauteur renvoyant à l’année d’ouverture du Centre parisien (1977). Côté programmation, là aussi, c’est spectaculaire. L’œuvre immersive Déplacer les étoiles de l’artiste allemande Katharina Grosse – 8 250 m2 de tissu suspendu en un immense drapé coloré dans la Grande Nef, –témoigne de l’appropriation réussie d’un espace magistral au service d’un art tout aussi grandiose. Metz, une capitale culturelle européenne ? Cela ne fait plus aucun doute…