48 heures en baie de Somme
Hauts-de-France/2023
L’espace et le silence, les falaises, dunes, galets, marais et les ciels flamands… Classée parmi les plus majestueuses du globe, avec celle de San Francisco ou d’Halong, la baie de Somme prend des airs de bout du monde. Loin des littoraux bétonnés, la terre et la mer, l’eau douce et l’eau salée s’y livrent un combat sans cesse recommencé. Des milliers d’oiseaux migrateurs et une colonie de phoques y ont trouvé refuge. Ici, le road movie se fait à pied, à cheval, en char à voile ou à vélo. Balade au grand air.
© SommeTourisme
La botte gauche part en dérapage incontrôlé tandis que la droite s’enfonce dangereusement dans la vase, la marée monte en tourbillons… Ici, la pêche à pied n’a rien d’une promenade bucolique. Suivre Reinette, figure locale de la pointe du Hourdel, dans sa quête quotidienne tient à la fois du raid et de l’émerveillement. Une plage sans fin, une bande de ciel marine sous un chapelet de nuages en fuite, des rides de sable dessinées par les flux et reflux…
Sur ces 250 hectares de concessions, une poignée de pêcheurs professionnels remplissent, en jardiniers de la mer, leur panier de salicorne, aster, obione, soude (dite « pompon ») et coques, qui régaleront les chefs avides de ces saveurs iodées. Reinette a arpenté ces terres mouvantes toute sa vie et déborde de recettes de soupes, saumures, salades. Dans la baie de Somme, la salicorne se consomme à toutes les sauces. Sur une terrasse avec un moules-frites ou dans le joli spa du Cap Hornu, à Saint-Valery-sur Somme, dans les cosmétiques Samaris créés par Clémence Froissart. Une merveille pour la peau.
À quelques brasses de l’hôtel, les veaux de mer flemmardent sur les îlots au milieu du courant. Regardent-ils passer les oiseaux migrateurs venus faire halte au parc du Marquenterre, sur ces 200 hectares de dunes et de marais ouverts au public depuis cinquante ans ? Une pause providentielle que s’accordent ces marathoniens des airs partis d’Islande ou de Sibérie pour rejoindre l’Afrique, mais aussi une balade magique pour les visiteurs, entre points d’observation discrets et envols majestueux. Une petite révision ne sera pas de trop pour côtoyer les passionnés armés de jumelles, capables de distinguer comme qui rigole une avocette élégante d’une linotte mélodieuse !
À la sortie du parc, voici Le Crotoy, sentinelle à l’entrée de cette terre mouvante. Elle est la seule cité balnéaire du Nord à posséder une plage plein sud et joue la carte « villégiature de charme ». Colette, Jules Verne, Toulouse-Lautrec, mais aussi Sisley, Seurat, Degas, Corot, Boudin, Offenbach et Jacques Tati succombèrent à sa beauté évanescente. C’est aujourd’hui l’un des spots favoris des adeptes de char à voile et de kitesurf. Sur l’autre rive, Saint-Valery se targue d’avoir, en l’an 1066, reçu les drakkars de Guillaume de Normandie. La cité en a gardé pont-levis et hautes murailles, mais aussi lacis de venelles peuplées de minuscules maisons de pêcheurs aux couleurs hardies.
Si on longe la côte vers le sud, c’est Victor Hugo que l’on croise. Tombé amoureux d’Ault, et de son enfilade de falaises taillées à la serpe qui s’étend jusqu’au pays de Caux, le grand homme a laissé des descriptions que l’on peut lire le long d’un sentier paysager. Plus bas encore, un autre souvenir, celui des bains de mer et des élégantes qui se changeaient dans des cabines au motif bayadère de Cayeux-sur-Mer. Les cabanons sont toujours là, pimpants, sur le chemin de planches le plus long d’Europe : 2 km ! Un petit Deauville, en moins snob.
Pierre-François Guerlain, natif d’Abbeville et créateur de l’Eau de Cologne Impériale, voulait attirer en baie de Somme la bonne société qui se pressait dans sa boutique de la rue de Rivoli. Aujourd’hui, elle est le terrain de jeu des familles et des amoureux venus marcher, arpenter à vélo les 44 km de la fameuse « Vélomaritime », qui galope de la Manche à la mer du Nord, traverser la baie à pied, contempler les oiseaux, camper ou explorer une hôtellerie de charme. Aux Cabanes ou au Piloti, on dort même dans des huttes sophistiquées, les pieds dans l’eau et la tête dans les étoiles.
Pour rire, on emprunte le chemin de fer de la baie de Somme. Ces cinq locomotives à vapeur et 17 voitures en bois, inaugurées en 1887, ont été remises sur les rails par une poignée de passionnés. Mais, surtout, on fait une longue halte à la maison de la baie de Somme, un lieu pour comprendre, voir et entendre la flore, la faune et les travailleurs de ce territoire envoûtant. Sans oublier de tester un food truck un peu particulier, celui de Ludovic Dupont, pour qui « la nature a du goût ». Ce fervent défenseur des plantes est aussi membre de l’association Baie de Somme Zéro Carbone, engagée depuis près de quinze ans dans une démarche d’accueil touristique responsable et éthique. Sa fête de la gastronomie, chaque année en septembre, est un incontournable de la baie.
Ici, on mange bien, mais on dîne tôt et on s’endort de bonne heure, repus de vent et d’exercice. Une dernière balade au coucher du soleil ? La marée vient de se retirer, découvrant un tapis de sable scintillant. Colette, qui a observé ce paysage pendant cinq étés, de 1906 à 1910, s’en inquiétait : « La baie de Somme, humide encore, mire sombrement un ciel égyptien, framboise, turquoise et cendre verte. La mer est partie si loin qu’elle ne reviendra peut-être plus jamais… »
G. B.
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