48 heures à Sète

Occitanie/2023

Caressée par le soleil du Languedoc, la presqu’île des « Copains d’abord » a gardé une certaine douceur de vivre. Elle est rythmée par la criée, les festivals et, depuis plus d’une dizaine d’années, des tournages de série, qui lui ont donné un coup de fouet économique et touristique. Pour preuve, Sète a désormais son « set-jetting ».

Baignée par les flots, Sète joue volontiers à l’insulaire au caractère bien trempé. Avec sa gouaille gorgée de soleil, elle défend ses racines populaires, qui remontent à 1666. C’est Louis XIV qui ordonna la construction d’un port de commerce reliant le canal du Midi à la Grande Bleue. Inaugurée par des jeux de joutes, la ville a perpétué la tradition. Chaque été, des tournois se déroulent sur ses canaux. Une glace à la main fondant trop vite, les enfants (et les grands) observent, curieux, les lutteurs en costume au blanc éclatant tomber à l’eau. Voilà pour la carte postale. Le cœur de Sète bat autour de son port de commerce, avec ses hauts et ses bas, et de son port de pêche, le premier en Méditerranée française, toujours situé en plein centre-ville. Bien visibles, la douzaine de thoniers et la quinzaine de chalutiers rappellent qu’ici tout n’est qu’une histoire d’eau. Et quand ce n’est pas la mer, c’est l’étang de Thau. Entre 450 à 500 exploitants y travaillent le coquillage, comme Atelier & Co, qui a remporté la médaille d’or 2023 au Salon de l’agriculture pour ses huîtres exondées – à savourer sur place, à Loupian. Son voisin, Les Pieds dans l’Eau, est tenu par un ancien pêcheur de père en fils reconverti dans l’ostréiculture. Lors d’une dégustation, on se laisse bercer par les récits des locaux évoquant une époque, pas si lointaine, où les Sétois prenaient la mer durant des mois, s’entassant à dix sur un bateau de 27 mètres. Celle que l’on surnomme « l’île singulière » navigue bien entre les flots, incluant les villages pagnolesques le long de l’étang ou tout près. Un festin pour les yeux et les papilles : à l’abbaye de Valmagne, qui date du XIIe siècle, les foudres reposent dans l’église quand ceux de Noilly Prat, à Marseillan, respirent dehors l’air des quatre saisons. Sète a bien ce je-ne-sais-quoi dans l’atmosphère et la lumière qui aimante, attire ou enfante bien des artistes : Brassens, Jean Vilar, Hervé Di Rosa… et Agnès Varda, qui tourna son premier film sur les pêcheurs de la Pointe courte, ex-quartier populaire devenu l’un des plus touristiques. Aujourd’hui, ils ont posé leurs ateliers dans les maisons colorées du « quartier haut ». La cité vit aussi au rythme des tournages – ce qui fait parfois grincer des dents certains résidents. 25% des films prenant pour décor l’Occitanie le seraient à Sète. Ses 300 jours de soleil par an seraient un atout. Après la série policière Candice Renoir, le feuilleton Demain nous appartient (TF1), « DNA » pour les habitués, s’y tourne en plein air et en studio depuis 2017. « Avec une audience de 3,2 millions de téléspectateurs en moyenne, cette série a donné un énorme coup de projecteur à la ville. Français, Belges, Suisses et Canadiens viennent voir “en vrai” ce qu’ils ont vu à la télévision », avance Marianne Mondon. Elle en sait quelque chose. Cette ex-comédienne a monté un « cinétour », un circuit sur les sites emblématiques de DNA avec, en fil rouge, la culture sétoise. « Ce type de tourisme, le set-jetting, n’a rien de nouveau. -Souvenez-vous de Friends, à New York. » Si les séries ont donné du travail aux locaux et ont vu fleurir l’antenne d’une école de cinéma, elles ont aussi participé à la « boboïsation » des lieux. « Il y a douze ans, le mètre carré était en dessous de 1 000 €, aujourd’hui il est autour de 4 700-5 000 €, voire 11 000 € sur le mont Saint-Clair. Pour une ancienne ville pauvre, c’est cher », remarque la guide. Sète se transforme petit à petit. Des parkings à tout-va se construisent, semant la polémique. Trop de voitures en plein centre. Alors on s’en éloigne en grimpant vers le mont, Benjamin Biolay dans les oreilles. En 2022, son album Saint-Clair rendait hommage à Sète. Arrivé au belvédère, à 180 mètres de haut, le dégradé de bleus saisit le regard : la Méditerranée, l’étang de Thau et les canaux. On fredonne alors avec le musicien : « Il est six heures sur le mont Saint-Clair / Il fait beau ce matin sur la Terre. » Tant pis si le soir tombe. Il fait beau et la Terre est belle.