Les chefs de l’ombre : ils font la recette de leur succès
Ils sont seconds, ou chefs exécutifs. Les clients ne connaissent pas leur nom. Pourtant, ils sont indissociables de la réussite de leur patron médiatique. Focus.
Collaborateur, Nom masculin. "Personne qui collabore à une œuvre commune". Telle est la définition du dictionnaire Le Robert. Tout est parfaitement dit en ce qui concerne ces chefs qui participent à la réussite d’un restaurant sans que les clients connaissent nécessairement leur nom. Et dans tous les cas, ils se remontent les manches pour concrétiser derrière les fourneaux la signature d’une grande toque. Leur talent est un ingrédient indispensable au succès de leur chef mentor. Présence longtemps tue, ces personnages indispensables au bon fonctionnement d’un établissement sortent de l’ombre depuis quelques années…
À Paris, Frédéric Anton ne tait pas les noms de son écurie de talents composée de Kevin Garcia au restaurant le Jules Verne, Mehdi Sgard au Pré Catelan, Adrien Delcourt au 18 by, Frédéric Anton à Shangaï et Gabin Bordelais au Don Juan II. "Ce sont des garçons fidèles, sérieux et professionnels. Je collabore avec des hommes qui ont grandi à mes côtés, qui me connaissent par cœur et sont capables de prendre des responsabilités" nous révèle le grand chef, confiant s’en tenir aussi à l’affinité qu’il a avec chacun d’entre eux. Le Meilleur Ouvrier de France a le souhait de faire évoluer ses lieutenants sans considérer devoir s’effacer – physiquement parlant lors des services, derrière eux. "Je m’organise pour être présent dans tous mes restaurants. Quand je leur dis, c’est vous les boss les gars ! Ils me répondent : non chef, c’est vous" assure-t-il.
De son côté, Aude Rambour est l’acolyte de toujours de Cyril Lignac, passée chez Anne-Sophie Pic et la Tour d’Argent avant de devenir le bras droit de la toque cathodique. Rarement présente dans les médias, la cuisinière du Pouliguen a participé au documentaire "Qu’est-ce qu’on va faire de toi", sorti dans les salles obscures en début d’année, consacré au parcours de Cyril Lignac et aux obstacles auxquels il a dû faire face. Son cas n’est pas unique. Voici d’autres chefs exécutifs ou seconds à qui de grandes toques doivent (aussi) leur réussite.
Ricardo Silva & Thierry Marx, chez Onor
Le succès du restaurant Onor (3 toques), c’est aussi lui. Armé de son sourire bienveillant, Ricardo Silva ensoleille la dernière table de son chef mentor. Originaire du Portugal, le cuisinier est devenu le partenaire de travail de Thierry Marx lorsque ce fou de gastronomie japonaise venait de prendre les commandes du Mandarin Oriental à Paris deux ans plus tôt. Nous sommes en 2011 et Ricardo Silva démarre une longue et précieuse collaboration. Devenant son associé pour le restaurant Onor, le chef exécutif participe aux expérimentations culinaires de son partenaire visionnaire, au moyen d’un atelier de recherche que Thierry Marx a mis en place aux côtés d’un autre collaborateur précieux, le chimiste Raphaël Haumont. S’il s’inscrit dans le sillage du chef Marx depuis treize ans, Ricardo Silva a d’abord fait ses armes dans son pays, dans la magnifique région de l’Algarve, à la Vila Vita Parc. La toque a ensuite consolidé son expérience à Londres en travaillant auprès de Pierre Gagnaire pour sa célèbre table Sketch.
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Tamaki Kobayashi & Anne-Sophie Pic
Bien sûr, il y a ce trait d’union que représente le Japon pour sceller la proximité des deux femmes. La passion pour la culture nippone d’Anne-Sophie Pic n’est un secret pour personne tandis que Tamaki Kobayashi en est pour sa part originaire. Sa présence est comme une évidence au sein de la brigade du restaurant Pic (4 toques). L’histoire est belle : Tamaki Kobayashi débarque à Valence en tant qu’apprenti dans le cadre de son apprentissage qu’elle suit à la prestigieuse école hôtelière de Tsuji, à Osaka. Depuis 2020, elle est la cheffe adjointe du phare gastronomique d’Anne-Sophie Pic. "Nous travaillons avec Anne-Sophie Pic dans un respect mutuel et cultivons une altérité que nous partageons avec les équipes" explique la cuisinière qui confronte aussi sa culture à celle de sa cheffe mentor pour en extraire des inspirations développées au sein de la cuisine d’essai. Dans la carrière de la cheffe Kobayashi, la signature Pic apparaît tel un fil rouge. Si la toque nippone a parfait son CV auprès de Pierre Gagnaire, à la table japonaise de Joël Robuchon et à la maison Vérot, celle-ci a sans cesse ponctué chacune de ses expériences en revenant à chaque fois auprès d’Anne-Sophie Pic. Par exemple, en 2009, lorsque Anne-Sophie Pic débarque à Lausanne (Suisse), Tamaki Kobayashi n’hésite pas à rejoindre l’équipe du Beau Rivage Palace.
Laurène Barjhoux et Manon Fleury, chez Datil
Si vous êtes fans de belle vaisselle, vous vous souvenez sans doute de cette collaboration entre Habitat et Thierry Marx sortie il y a une dizaine d’années ? Le design, c’est elle ! Laurène Barjhoux fut dans une précédente vie designer en art de la table. En 2018, son parcours prend un tout autre tournant lorsqu’elle décroche son CAP de cuisine et arts culinaires appliqués à l’école Ferrandi. Laurène Barjhoux ne dessinera plus les assiettes, mais elle les remplira de créations gastronomiques. D’abord à l’Arpège (Gault&Millau Académie), où la jeune cheffe parfait aussi bien sa maîtrise de la pâtisserie que la gestion du garde-manger. Et puis, en 2018, c’est la rencontre, celle avec Manon Fleury au Mermoz (1 toque). L’ex-escrimeuse est alors la nouvelle pousse de la cuisine française que nombre de critiques recommandent. Derrière les fourneaux, si Manon et Laurène ont chacune leur identité, elles se retrouvent sur des valeurs communes, à commencer par le respect de l’autre. Une sororité que toutes deux vont cultiver en ouvrant le restaurant Datil mais aussi en menant de front leur combat au sein de l’association Bondir.e afin de lutter contre les violences en cuisine.
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Yohann Caron & Cédric Grolet
C’est le collègue avec lequel on aime plaisanter tout en travaillant. Celui que l’on retrouve après des heures passées à sculpter des fruits plus vrais que nature, ou monter de somptueux saint-Honoré. Yohann Caron, c’est le collaborateur devenu ami. Au Meurice, cet ancien élève du lycée Jacques-Cœur de Bourges pâtisse dans l’ombre de Cédric Grolet au moment où ce dernier gravit les échelons de la popularité jusqu’à devenir la référence que l’on sait. Yohann Caron assiste à la starification de son ami stéphanois puisqu’il intègre le palace parisien en 2013 tandis que Grolet en devient le chef pâtissier un an plus tard. En 2019, leur duo devient une évidence médiatisée lorsque Cédric Grolet demande à son acolyte de le rejoindre dans sa nouvelle aventure personnelle, celle de sa pâtisserie parisienne Opéra. Yohann Caron quitte le Meurice et prend la direction des exécutions de ce repaire sucré hyper adulé sur les réseaux sociaux. Il l’accompagne alors dans ses nombreux projets, voyageant jusqu’à Singapour pour déployer la patte (ou pâte) de son chef ami.
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L’une est une cheffe engagée qui puise son inspiration dans toutes les formes d’arts. L’autre est une écrivaine dont les œuvres sont autant saluées par la critique que le grand public. Chacune, à sa manière, raconte le respect du vivant. La rencontre était évidente.Produit de bouche, équipement de cuisine, art de la table, solution de service ...
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